La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), l’Accord de Paris et les engagements de l’Union européenne « Prêts pour 2055 » (« Fit for 55 ») visent à maintenir l’habitabilité de la planète avec des objectifs de neutralité carbone d’ici 2050 induisant des efforts de sobriété tout à fait inédits.
Alors que les politiques publiques territoriales se mettent en ordre de marche et incluent ces objectifs à des degrés divers dans tous leurs champs de compétences, le numérique constitue souvent l’angle mort des pratiques de sobriété malgré sa discrète omniprésence.[1]
L’une des raisons principales est due au fait qu’il est perçu comme « immatériel » alors qu’il impacte durement l’environnement et les êtres vivants, tout autant que le trafic aérien mondial[2]. Aujourd’hui, tout acteur public qui souhaite être au rendez-vous de 2050, se doit d’inclure le numérique dans sa stratégie de sobriété.
Prendre conscience des impacts du numérique
L’Ademe et l’Arcep ont présenté il y a presque un an, le dernier volet de leur étude sur l’empreinte environnementale du numérique en France[3]. Si rien n’est entrepris pour freiner son accélération constante depuis 20 ans, en 2050, les impacts du numérique seront de +370% d’émissions de gaz à effet de serre, de +120% d’impact sur l’extraction de matières premières, +163% de consommation énergétique.
Plus précisément, ce sont nos équipements (ordinateurs, télévisions, smartphones) qui représentent 79 % de l’empreinte carbone du numérique contre 16 % pour les data centers et 5 % pour les équipements réseaux. De plus, c’est la phase de fabrication des terminaux numériques qui représente 78 % de l’empreinte carbone contre 21 % pour leurs utilisations et 1% pour leur distribution.
Au-delà, le numérique est aussi un facteur d’épuisement de certains métaux et minéraux (antimoine, étain, plomb, or, zinc, strontium, argent ou nickel sont des métaux dont la durée de vie des réserves rentables ne dépasse pas les 20 ans) à cause du remplacement trop rapide des terminaux (plus de 50 métaux différents dans un smartphone). Un Français génère ainsi en moyenne 301 kg/an de déchets électroniques (recyclables à seulement 10% et envoyés dans les pays du tiers monde) presque une tonne de ressources utilisées (ressources abiotiques, déplacement de terre, eau, etc.).
Qu’est-ce que le Numérique Responsable ?
Le numérique responsable est une démarche d’amélioration continue qui vise à réduire l’empreinte écologique, économique et sociale des technologies numériques.[4]
Elle priorisera la durée de vie des équipements (Green IT) via :
- L’achat reconditionné plutôt que l’achat neuf ;
- La réparation plutôt que le remplacement ;
- La réaffectation vers un nouvel utilisateur par le don plutôt que mettre au recyclage.
D’autres actions moins prioritaires mais tout aussi durables viseront à :
- Utiliser le numérique pour résoudre des problématiques environnementales (IT for Green) ;
- Veiller à ce que la fracture sociale induite par l'usage du numérique se réduise (Human for IT),
- Limiter l'impact social du numérique par les achats responsables d’équipements ou en œuvrant pour un meilleur recyclage de leurs matériaux en fin de vie (IT for Human).
Pendant la phase de fabrication des services numériques, des techniques de développement dites « d’éco-conception » sont à privilégier afin de consommer le moins de ressources possibles au regard du service rendu.
Le Numérique Responsable dans ma structure : comment initier la démarche ?
Issu d’un travail préalable réalisé par le Club Green IT[5], la Direction interministérielle du numérique, en collaboration avec l’Institut du Numérique Responsable ont édité fin 2022 le guide « Bonnes pratiques numérique responsable pour les organisations[6]» . Il répond à un besoin des organisations d’avoir un outil pour les accompagner dans la mise en œuvre de leur démarche et de leur plan d’action pour un numérique plus responsable.
Le sujet est donc éminemment collectif et, du fait de leur force d’entraînement et le lien de proximité qu’elles tissent avec les citoyens, les collectivités territoriales jouent un rôle particulier et d’entrainement majeur de tout un territoire.
Ainsi, en signant la Charte Numérique Responsable , elles envoient un signal fort sur leur volonté d’entrer dans une démarche active d’amélioration de ses pratiques. D’autre part, la loi REEN , qui oblige les communes et EPCI de plus de 50.000 habitants de se doter au 1er janvier 2025 d’une stratégie numérique responsable, a permis la publication d’autres outils méthodologiques permettant d’autoévaluer l’empreinte de son système d’information et de diffuser sur son territoire les bonnes pratiques numériques.
Les premières initiatives publiques dans les territoires
Dès octobre 2020, la Région Nouvelle-Aquitaine avait adopté une feuille de route « numérique responsable 2021-2022 » qui s’inscrivait pleinement dans la lignée de la feuille de route « Neo Terra ». Depuis elle soutient différentes initiatives en ce sens en créant notamment un réseau d’Ambassadeurs du numérique responsable dans les territoires et inclue des clauses dans tous programmes de financement.
Au niveau départemental, le Syndicat Mixte Ouvert Fibre 64 a adopté son « Schéma Directeur des Usages Numériques Mutualisés des Pyrénées-Atlantiques » dont un des quatre défis concerne le numérique responsable avec pas moins de 7 actions programmées sur la période 2023-2025.
En Pays basque, l’antic, labellisée Numérique Responsable depuis 2021, a fait de l’accompagnement des acteurs territoriaux vers les démarches NR une priorité et plus particulièrement les deux collectivités qui en ont l’obligation légale : la Communauté d’Agglomération Pays Basque et la commune de Bayonne. L’une et l’autre voteront leur Stratégie Numérique Responsable courant 2024 et seront au rendez-vous du 1er janvier 2025.
L’approche globale des 3U pour questionner le numérique
Enfin, en amont de toute conception de services numériques opérés ou loués par les acteurs publics, une réflexion préalable doit être menée sur :
- Leur utilité : le service rendu est-il vraiment pertinent au regard de son impact ?
- Leur utilisabilité : les services sont-ils véritablement faciles d’utilisation pour un maximum de personnes quel que soit leur santé, leur accès à Internet, leur littératie numérique ?
- Leur utilisation : les fonctionnalités sont-elles toutes utilisées ?
Ce questionnement systématique procède d’une attitude mature vis-à-vis du numérique dont on connait désormais les impacts négatifs sociaux et environnementaux.
A l’heure où les intelligences artificielles nous promettent monts et merveilles, cette question est cruciale et fera l’objet des 15èmes Rencontres Numériques Pays Basque prévues le 7 juin 2024 à la Médiathèque de Biarritz sur “Les Intelligences Artificielles : usages utiles et responsables” (entrée libre et gratuite sur inscription).
- Etude du Collectif GreenIT.fr et du cabinet Espelia auprès de 33 collectivités en 2020. https://www.cerdd.org/Parcours-thematiques/Transitions-economiques/Ressources-transitions-economiques/Sobriete-numerique-et-collectivites-territoriales-quels-enjeux Retour au texte
- Revue Patterns - 10 septembre 2021 - https://www.cell.com/patterns/fulltext/S2666-3899(21)00188-4 Retour au texte
- https://presse.ademe.fr/2023/03/impact-environnemental-du-numerique-en-2030-et-2050-lademe-et-larcep-publient-une-evaluation-prospective.html Retour au texte
- Wiki du Numérique Responsable https://fr.wiki.isit-europe.org/nr/Num%C3%A9rique_Responsable Retour au texte
- https://www.greenit.fr/ Retour au texte
- https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/publications/bonnes-pratiques Retour au texte