1. Qu'est-ce que le mouvement des autoconstructeurs Castors?
Les Castors sont essentiellement des hommes, jeunes pères de famille ou maris, qui souhaitent accéder à des conditions de vie confortables et modernes après la fin de seconde guerre mondiale.
Les premiers chantiers sont lancés en Aquitaine et portent une grande dimension militante en faveur du droit au logement décent. La plupart du temps employés ou ouvriers, ils n'ont pas les moyens financiers de débloquer individuellement des prêts bancaires pour acheter un logement décent. D'autant qu'à l'époque, c'était un bien rare, entre les destructions liées aux combats et l'insalubrité galopante qui gangrène le parc immobilier... L'effort de l’État se concentre alors, logiquement, sur les zones à reconstruire.
Du coup, ces jeunes vont se mobiliser pour promouvoir un mode alternatif et collectif pour construire eux-mêmes leurs maisons en accession à la propriété. N'ayant pour capital que leur travail, ils inventent le principe de l'apport-travail pour remplacer l'apport espèce. Cette génération de pionniers, à partir de 1948, poursuit le double objectif de construire leurs cités et de faire entrer la formule
Castor dans le cadre de la législation sociale. Leur mouvement en apparence éclaté en autant de chantiers que de coopératives Castors va se structurer en Union nationale pour parler d'une voix unique et peser dans les discussions avec l’État central. Ils ont finalement gain de cause et leur formule est institutionnalisée en 1951.
2. L'aventure des Castors, mythe ou réalité ?
Les deux à la fois. Dès le début des premiers chantiers, les Castors sont perçus comme des menaces du point de vue des Maires des différentes villes sur lesquelles ils développent leur projet. La dimension collective, la solidarité et la communauté comme moteur de leur action faisaient craindre une dimension politique teintée de communisme... Vu de l'extérieur, il passaient généralement pour des doux rêveurs...
Quand les maisons sont finalement sorties de terre et que les familles se sont installées, c'est un second mythe qui commence à s'écrire et à se raconter : celui des aventuriers des temps modernes qui ont voulu, qui ont cru et qui ont pu.
3. Quelle résonance aujourd'hui ? Quels sont les héritages de ce mouvement ?
Par manque de moyens financiers, les Castors ont cherché dans le montage de leurs projets à élargir au maximum le champ des économies réalisables, incluant le fonctionnement du foyer une fois la maison habitée. Ils préconisaient ainsi des constructions bien isolées pour qu'elles soient moins coûteuses à chauffer, des jardins pour permettre un potager vivrier... Ils sont souvent convoqués comme des initiateurs d'une vision du développement durable. A tort. Leur visée était surtout celle de l'économie domestique d'une classe moyenne qui ne dit pas encore son nom.
En revanche, les nouvelles formes de l'habitat participatif sont très certainement les descendantes directes de leur mouvement. Le Comité Ouvrier du Logement à Anglet est la permanence de la coopérative montée par les Castors de Bayonne par exemple.
Et si leur mobilisation reste un moment unique dans l'histoire urbaine en France, les cités Castors encore bien présentes dans nos villes d'aujourd'hui démontrent que leur utopie était bien réaliste. L'héritage principal est donc aussi, selon moi, un certain esprit de la dissidence et de l'illégalité légitime comme le moteur d'une mobilisation pour l'amélioration du bien commun, dépassant la contestation ou la revendication en proposant un passage à l'action.
DR-Archives privées Castors de Bayonne
Par Julie Boustingorry
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