3 questions à... Jon ARIZMENDI

Directeur Performances & Compétences de la CCI Bayonne Pays Basque, Jon ARIZMENDI manage le département en charge du conseil aux entreprises, réunissant 35 collaborateurs dédiés à l’accélération du business des entreprises en les conseillant et les accompagnant depuis leur création jusqu’à leur cession via toutes les grandes étapes de leur vie, et du développement local des territoires en favorisant un environnement économique propice. Ses expériences en analyse économique et aménagement du territoire ont contribué à la mise en œuvre du dispositif « Denda - Dynamiques commerciales au Pays Basque ».

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En 2022, la CCI Bayonne Pays Basque publie de nouveau des résultats issus de « Denda - Dynamiques commerciales au Pays Basque ».

Qu’est-ce que ce dispositif, à qui s’adresse-t-il, et pourquoi ?

La CCI Bayonne Pays Basque s’est toujours fortement impliquée dans les équilibres commerciaux à préserver sur le territoire, notamment un maillage commercial cohérent pour permettre aux populations de bénéficier d’offres de proximité et diversifiées répondant à leurs besoins. Comme toute activité économique, le commerce peut se confronter à des logiques de marchés privés qui engendrent des jeux de concurrence, dans certains cas contre-productifs.

La recherche de datas qualifiées et fiables, leur analyse objective ainsi que la compréhension terrain des problématiques locales sont indispensables à une bonne connaissance des enjeux pour faciliter la prise de décision des acteurs concernés : porteurs de projets dans la sécurisation de leurs décisions d’entreprendre, tout comme les associations de commerçants et les collectivités locales dans leurs actions qui concourent à rendre nos territoires attractifs et dynamiques.

C’est la raison d’être de ce système d’information qualifié pour partager l’appréciation des pôles commerciaux et des établissements implantés, tout comme les pratiques de consommation des populations locales.

Le dispositif « Denda » s’est d’abord nourri d’une analyse inédite de l’impact des « ventas » transfrontalières vis-à-vis du tissu commercial existant, au milieu des années 2000. A l’époque, les écarts de prix se creusaient sur certains produits, conduisant à une distorsion de concurrence. C’était le début de la mutation des « ventas » vers une offre commerciale structurée, et l’organisation en grandes surfaces tels que les supermarchés que nous connaissons à présent.

Puis, au début des années 2010, les premiers documents d’urbanisme et de planification tels que les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) et leurs Documents d’Aménagement Commercial ont nécessité un questionnement nouveau sur les jeux d’équilibres. C’était l’époque d’un nouvel élan commercial avec l’essor des grandes surfaces et des grands centres commerciaux qui ont vu le jour ou bien se sont agrandis.

Au début des années 2020, à la suite d’une crise COVID couplée à une crise internationale sans précédent, avec de forts impacts énergétiques et économiques, il était nécessaire de pouvoir livrer une vision actuelle des clés, des caractéristiques et des enjeux commerciaux de notre territoire.

Il faut savoir que pour la toute première fois, ce travail s’est étendu à l’échelle de Nouvelle-Aquitaine, représentant 26 363 ménages enquêtés pour un total de plus de 600 000 actes d’achats sur un panel de 36 familles de produits de consommation courante (alimentaire et non alimentaire). Aussi, le bénéfice est double : une connaissance plus complète des flux d’achats entre territoires, puis une mise en perspective plus pertinente avec des territoires de comparaison.

Quels sont les principaux enseignements que nous pouvons retenir ?

Tout d’abord, il faut remettre en perspective une baisse tendancielle du budget des français consacré aux produits de consommation courante, alimentaires ou non, au bénéfice des postes de dépenses en logement, santé et restauration. Par exemple, le logement représente en moyenne 26% du budget d’un ménage à présent.

Dans la dernière décennie, le constat pointait un risque de « SEVESO commercial » pour illustrer les tensions de l’époque en matière de risque de suréquipement commercial au Pays Basque et sud des Landes. Actuellement, il faut se rassurer car le tissu commercial existant n’a pas donné lieu à une aggravation flagrante sur les jeux de concurrence, malgré un contexte actuel totalement différent.

En effet, l’accroissement du chiffre d’affaires du commerce local suit la dynamique démographique du territoire : +13% de dépenses annuelles de consommation captées par le tissu commercial, +11% du nombre de ménages.

De plus, les commerces du Pays Basque captent aujourd’hui la même part des dépenses des ménages du territoire qu’en 2013 : 88% du budget des ménages basques est destiné aux commerces du territoire. Autrement dit, le taux d’évasion, c'est-à-dire la part des dépenses des ménages basques hors du territoire, se maintient à 12%, ce qui est un niveau jugé incompressible. Par contre, cette évasion, qui est de 6% sur l’alimentaire, est devenue beaucoup plus forte sur le non alimentaire, à hauteur de 17%, via notamment le développement de la vente à distance.

En produits alimentaires, les grandes surfaces commerciales restent toujours le circuit de distribution le plus fréquenté, dans des proportions similaires aux moyennes nationales : 78% au Pays Basque, 77% en France. Pour autant, les circuits courts en alimentaire frais continuent de se développer : +11% d’augmentation des dépenses, soit 4 millions d’euros supplémentaires dévolus en 10 ans.

En produits non alimentaires, la part de marché des commerces de -300m² est de 34% au Pays Basque, 2 points de plus qu’en Nouvelle-Aquitaine ; 53% pour les grandes surfaces. Le e-commerce, qui en représente 12%, est la principale source d’évasion avec en tête, les produits d’électroménager, TV, Hifi, informatique.

Ainsi, le chiffre d’affaires des commerces du Pays Basque en produits de consommation courante est estimé à plus d’1.9 milliards d’euros issus des dépenses des résidents locaux. Avec l’apport des clientèles touristiques et frontalières, le chiffre d’affaires s’élève alors à plus de 2.5 milliards d’euros au total.

Quels sont les principaux enjeux et pistes de réflexion pour le(s) territoire(s) ?

En premier lieu, nous devons nous féliciter de disposer au Pays Basque d’un appareil commercial que l’on qualifie de dimension métropolitaine, avec un statut de destination qui nous offre à la fois la venue de populations voisines des Landes, du Béarn et des territoires transfrontaliers, mais aussi la venue de populations touristiques. C’est une chance, avec l’opportunité pour notre économie de capter des dépenses supplémentaires. Il faut préserver cet atout car la compétition est internationale, accélérée par la vente en ligne.

De plus, le commerce exerce à la fois une fonction essentielle de réponse aux besoins de première nécessité et une fonction indispensable de lien social et d’urbanité. C’est pourquoi un maillage territorial cohérent qui couvre bien les besoins courants des bassins de vie, en correspondance avec les densités de population, reste un enjeu permanent. En effet, il existe toujours des préoccupations sur certains centres-bourgs et quartiers qui gagneraient à maintenir ou développer leurs commerces de proximité. Toutefois, la rentabilité économique du commerce n’est pas toujours assurée. Ceci doit nous obliger à réfléchir, d’une part, à une stratégie collective pour une articulation et coordination du maillage commercial entre territoires, pour jouer la complémentarité plutôt que la concurrence ; d’autre part, à des dispositifs supplémentaires qui peuvent faciliter l’amorçage et l’installation du commerçant pour permettre d’atteindre un seuil de rentabilité et ainsi pérenniser l’activité.

Enfin, il faut reconnaitre que le contexte dans lequel nous évoluons freine des initiatives et dégrade la pertinence de l’offre commerciale. Un commerçant doit aujourd’hui composer avec un consommateur versatile (zappeur, influencé-influenceur, exigeant, etc.), des conditions hyper-mouvantes (situation sanitaire, coût de l’énergie, ruptures d’approvisionnement, etc.), des moyens parfois difficiles à mobiliser (compétences et recrutements, visibilité digitale et boutique en ligne, trésorerie, etc.).

C’est pourquoi, il est toujours aussi indispensable de monitorer les dynamiques commerciales pour anticiper au mieux les mutations, et tout autant nécessaire aux acteurs du territoire de s’en emparer pour agir plutôt que de subir.

par Jon ARIZMENDI
www.linkedin.com/in/jon-arizmendi

Pour en savoir plus sur le panorama de l’offre commerciale et des comportements d’achats des ménages, consultez la fiche-territoire Pays Basque : https://www.bayonne.cci.fr/comprendre-la-demande-locale-et-les-flux-de-consommation-du-territoire

 

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