Odéys porte depuis 2 ans le déploiement de la démarche Bâtiments Durables en Nouvelle Aquitaine (BDNA), pouvez-vous nous en dire plus au sujet de cette démarche et nous expliquer ce qui la différencie de certifications ou labels environnementaux existants ?
Cette démarche existe en France depuis 2009. Elle a été initialement importée en région PACA depuis l’Autriche. Elle s’est ensuite propagée en Occitanie et en Île-de-France. En 2020, elle a commencé à se déployer en Nouvelle-Aquitaine. Aujourd’hui, elle s’établie en Bourgogne Franche-Comté et en Bretagne.
La démarche BDNA n’est ni une certification, ni un label, mais un système participatif de garantie, une méthodologie d’accompagnement favorisant la participation et l’intelligence collective. Il s’agit d’une démarche territoriale, co-construite et animée PAR et POUR les acteurs de la Nouvelle-Aquitaine qui l’ont contextualisée. Elle favorise également le déploiement d’une économie régionale en favorisant le recours à des filières locales. Le but étant la montée en compétence des professionnels de la construction et des projets sur un territoire, avec pédagogie et bienveillance. Elle concerne la construction neuve mais également la réhabilitation.
Cette démarche s’articule autour de 3 piliers :
Un référentiel d’évaluation, qui couvre 7 grandes thématiques afin de s’assurer d’une vision cohérente des enjeux à atteindre : Gestion de Projet, Territoire et Site, Solidaire – social et économie, Energie, Eau, Matériaux et Confort & Santé ; Un accompagnateur BDNA formé par Odéys afin de guider le Maître d’Ouvrage tout au long du projet et permettre une émulation constructive au sein de l’équipe de Maîtrise d’Œuvre ; Une commission d’évaluation publique, constituée d’experts, qui se réunit aux 3 étapes clés de l’opération (en phase conception, réalisation et usage).
La vraie spécificité de la démarche est l’organisation de ces commissions. Elles permettent, autour des équipes projets, de partager les bonnes pratiques de manière publique et transparente.
La dernière commission publique, qui a lieu en phase usage et deux ans après la livraison du projet, a toute son importance. Elle nous permet d’obtenir un retour d’expérience sur le bâtiment, notamment au niveau de la satisfaction des usagers, le suivi des consommations énergétiques, la performance de l’enveloppe et des équipements…
Au niveau national, nous sommes membres du Collectif des Démarches Quartiers et Bâtiments Durables, qui réunit aujourd’hui ces 6 régions et qui continue de s’étendre. Faire partie de ce Collectif est une réelle force. Cela nous permet notamment de mutualiser nos moyens, d’échanger au sujet de nos pratiques et de profiter du retour d’expérience de chacun. Cela nous permet également d’harmoniser nos approches, nos méthodes et nos référentiels.
L’efficacité de ce collectif a récemment été reconnue par les pouvoirs publics. Nous avons été mandatés en mai 2022 par le gouvernement, avec l’alliance HQE-GBC France et le Collectif Effinergie afin d’imaginer au sein d’un GIE (Groupement d’Intérêt Écologique), l’évolution et la suite à donner au futur label RE2020.
La suite de ce premier volet de la démarche est en préparation. Elle concerne l’aménagement et l’urbanisme et se nomme Démarche Quartiers Durables en Nouvelle Aquitaine. Quels en sont les enjeux ?
Les enjeux de l’urbanisme durable questionnent nos manières de faire la ville et leurs impacts sur les territoires et le cadre de vie de tout un chacun. Cette nouvelle déclinaison applicable au quartier constitue un cadre de travail pour les collectivités et les aménageurs et s’inscrit dans une ambition de frugalité, fil rouge de l’ensemble de ces démarches.
Les thématiques sont différentes et adaptées à l’échelle urbaine. On aborde la question des mobilités qui est aujourd’hui centrale dans l’acte d’aménager. L’intégration sociale et le développement économique sont également questionnés (notamment l’intégration de commerces et de services de proximité comme réponse aux cités dortoirs ou contre l’éloignement des lieux de vie / éducation / travail). La lutte contre le phénomène des Îlots de Chaleur Urbain (ICU) fait également partie des pistes étudiées.
On parle de contexte des projets, de quartier. On regarde plus loin et on se cale sur une échelle prospective plus longue, correspondant au temps nécessaire à l’émergence de ces projets urbains.
La démarche Quartiers Durables est la suite logique de la démarche Bâtiments Durables. Elle a été mise en place en PACA en 2017, en Occitanie en 2018. L’Ile-de-France est en train de la déployer et nous sommes aux prémices de sa construction en Nouvelle-Aquitaine.
Odéys a initié un travail sur la méthodologie de construction de ce second volet de la démarche, en se basant sur son expérience liée au déploiement de BDNA. La richesse des échanges avec le Collectif et les régions l’ayant déjà déployé nous permet également d’être plus efficaces. Nous recrutons un urbaniste au sein de l’équipe QBDNA pour piloter ce projet. Cela nous permettra également d’élargir le champ des domaines de compétence de l’association, qui est déjà fertile.
La question du Carbone et de la production des Gaz à Effet de Serre (GES) générés par l’acte de construire et d’aménager est centrale aujourd’hui. Quels sont les domaines d’avenir qui se profilent à ce sujet ?
Une partie du travail d’Odéys consiste aujourd’hui à accompagner l’innovation dans le champ de la construction. L’innovation et l’acte de construire durable passent souvent par la redécouverte de techniques constructives anciennes et oubliées (utilisation de la paille, de la terre crue, du chanvre…). L’intérêt de ces matériaux est qu’ils sont bios ou géosourcés (généralement renouvelables), souvent utilisés à proximité de leur site de production (l’exemple de la paille pour l’isolation est très parlant) et qu’ils favorisent le fonctionnement en circuit court.
D’un autre côté, la recherche et l’industrie permettent également de mettre au point de nouveaux matériaux (souvent composites à partir de matières biosourcés) ou de s’inspirer de la nature afin de résoudre des problématiques de manière plus durable (biomimétisme) et même parfois, de manière régénérative (tendre vers une forme de renouvellement intégré).
Le développement que connait l’économie circulaire permet un changement de regard sur nos pratiques. Ce qui était considéré il y a encore peu comme des déchets (laines de tonte, terres de remblai, chutes de process industriels…) est, de manière de plus en plus systématique, considéré comme une ressource (rien ne se perd tout se transforme).
La manière de faire du projet évolue également. De plus en plus de concepteurs s’approprient de nouveaux outils de « sourcing » qui permettent de comprendre, à proximité d’un site de projet, quels sont les ressources et/ou savoir-faire à disposition.
Odéys va publier dans un futur proche un catalogue de l’innovation porté par ses adhérents. On y parle de Brique de Terre Crue (BTC), de peintures servant de bouclier thermique ou recyclées, de liants à la chaux pour les bétons et mortiers de chanvre, de bétons d’argile, de nouvelles solutions concernant la filtration de l’air intérieur, de solutions innovantes pour le tri des déchets de chantier, de procédés constructifs en bois préfabriqués, d’éoliennes de petite taille…
Étonnamment, lorsque l’on parle d’innovation aujourd’hui, il est fréquent que nous fassions le lien avec la frugalité. Repenser nos besoins et le rapport de nos sociétés à la consommation est une thématique récurrente. Il ne faut pas oublier que le meilleur matériau ou la meilleure énergie sont souvent celui et celle que l’on ne met pas en œuvre ou que l’on n’utilise pas.
par Christophe PHILIPPONNEAU
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