Une plateforme d’échanges multi-partenariale pour un ZAN sans artifices

Dans sa dernière édition des dossiers FNAU, la Fédération Nationale des Agences d'Urbanisme rassemble des expériences conduites par des agences d’urbanisme avec leurs partenaires pour concourir à l’objectif de sobriété foncière. Zoom sur l'AUDAP et sa plateforme d’échanges multi-partenariale pour un ZAN sans artifices.

L’objet ZAN1, systémique par nature, invite à questionner les processus usuels de fabrication de la ville. Cela a conduit l’agence d’urbanisme Atlantique et Pyrénées à proposer à ses membres un cadre d’échanges souple et modulable permettant une réflexion mutualisée sur le sujet, où chacun (État, Région, EPCI, syndicat mixte, SCoT… et également acteurs de la ville et des territoires) apporte contributions et expertises. Au-delà de la construction d’une définition partagée, une feuille de route commune se dessine pour proposer sur les territoires sud-aquitains des réponses harmonisées et durables à l’étalement urbain et à l’artificialisation des sols.

Une plateforme adaptée aux échanges d'acteurs et à leur diffusion

Pour faciliter les échanges entre ses différents membres, l’Audap a proposé, dès la première réunion, la mise en place d’une « plateforme d’échanges », variée dans ses formats (ateliers, terrain, intervenants extérieurs…) et libre dans ses dires, les questionnements et les avis faisant la richesse des contenus.

En accord avec l’État et avec les autres membres intéressés de l’agence, dans le cadre du programme partenarial, le format a été adopté collectivement. L’objectif était de travailler sur la définition de l’artificialisation (nette), de tirer parti d’expériences territoria- lisées et d’identifier des leviers et des freins pour une feuille de route commune.

« La connaissance de l’artificialisation des sols dépend de la façon dont elle est définie et mesurée », selon Jean Cavailhès2. À défaut de définition et d’outils de mesure arrêtés à ce jour, les intervenants ont décidé de privilégier la notion de « sobriété et neutralité foncière » à celle de zéro artificialisation nette (ZAN) pour ne pas bloquer les échanges au stade de la définition tout en l’amendant au fur et à mesure. Ils ont aussi souhaité aborder le sujet par le prisme de la qualité plutôt que par la quantité, rejoignant ainsi la proposition du Commissariat général du développement durable3 de « développer une vision positive et désirable de la densité dans le cadre d’une dynamique de prise de conscience collective ».

Les premiers travaux ont abordé des sujets au-delà des documents d’urbanisme et de l’utilisation du référentiel néoaquitain de l’occupation des sols, naturels, agricoles, forestiers et urbains. L’actualité a notamment apporté de nouvelles préoccupations : la crise liée à la Covid-19 requestionne l’acceptabilité sociale de la densité ou encore les pratiques de la filière BTP.

Si chacun s’est accordé sur le besoin de « moins consommer pour faire mieux qu’avant », considérant les espaces à travers leurs usages et leurs services écosystémiques, plutôt que leur « calcul », il a semblé important d’élargir les échanges à d’autres acteurs du territoire – acteurs économiques, société civile, élus… qui peuvent témoigner de leurs pratiques et contribuer au changement.

 

Sortir du débat « d'experts » pour mieux partager avec tous les acteurs de l'aménagement

Un travail sur site a ensuite eu lieu à Sauve- terre-de-Béarn (64), avec des acteurs locaux (SEPA, COL, EPFL…)3, intitulé « Et si c’était à refaire avec plus de sobriété et de neutralité foncière ? ». Le lieu – un centre-bourg rural de l’intérieur des Pyrénées-Atlantiques (1 375 habitants en 2017) – a montré la diversité des contextes au sein même d’une commune de zone détendue : vacance commerciale, patrimoine désaffecté, friche industrielle, versus nouveaux lotissements, artificialisation de sols, extension de l’urbanisation… contrastant par exemple avec des communes littorales où la pression foncière est élevée.

L’exemple de Sauveterre a donné lieu à des échanges, depuis la planification jusqu’à l’opérationnel, avec en point de mire la gouvernance territoriale pour organiser la coopération entre les divers échelons et éviter la compétition entre communes, en acceptant que « l’on ne puisse plus construire partout ». Le besoin de sortir des silos entre ingénierie publique et ingénierie privée a aussi été souligné pour « imbriquer les logiques d’acteurs » dès l’amont des projets et éviter « l’effet pervers du copié-collé de certaines orientations d’aménagement et de programmation ».

Les politiques publiques ont bien été identifiées comme « devant réguler l’aménagement », avec des leviers possibles pour pro- mouvoir le recyclage urbain :

  • des leviers réglementaires : dépasser le « tout zonage » pour plus de mixité d’usages aurait peut-être permis à Sauveterre d’avoir le centre commercial dans le bourg plutôt que sur un terrain agricole d’entrée de ville…
  • des leviers financiers : réhabiliter sa conserverie en « tiers lieu » aurait évité de réaliser ce dernier en étalement urbain ; engager un programme global de renouvellement urbain aurait pu être une piste pour rénover des logements inoccupés plutôt que d’en créer dans de nouveaux lotissements…
  • des leviers fiscaux : exonérer de la taxe d’aménagement sur du foncier recyclé aurait pu favoriser l’aménagement du bourg…

 

Une feuille de route commune à décliner au plus près du territoire

Les échanges de la plateforme vont se poursuivre. « Faire bouger les lignes » fait consensus, tout en admettant que les réponses sont complexes et doivent être adaptées aux dynamiques particulières (urbaines, rurales, littorales, montagnardes…) et à la diversité des pressions foncières sur le département. L’objectif est que les territoires soient dans des démarches plus vertueuses, portées par leur projet de territoire, comme substitut possible à une définition encore imparfaite de l’artificialisation.

Il est question d’une feuille de route commune qui sera portée auprès de chaque territoire, dans leurs SCoT et PLUi, appropriés pour mieux gérer l’espace dans un souci qualitatif sur dix à vingt ans. Le débat devra alors avoir lieu dans l’espace politique d’élaboration du projet de chaque territoire. Cela permettra aussi de mieux sensibiliser les élus locaux, certains exerçant leur mandat pour la première fois.

Pour autant, cette feuille de route commune reste à construire : s’entendre non pas tant sur la définition que sur les risques à éviter, travailler sur des sujets particuliers (urbanisme commercial, lotissements, déprise agricole…) et proposer des réponses harmonisées (fiscalité, maîtrise foncière, planification…) ; envisager de reconstruire la ville sur la ville, avant d’artificialiser le sol, et éviter les marchandages des séquences « éviter-réduire-compenser » ; adopter collectivement des outils qui ne creusent pas les inégalités entre territoires (réserves foncières publiques, foncier solidaire…) et entre individus (servitudes de mixité sociale, clauses anti spéculatives…) et renaturer pour répondre aux enjeux climatiques, alimentaires et de biodiversité.

 

  1. Zéro Artificialisation Nette
  2. https://fonciers-en-debat.com/lartificialisation-des-sols-en-dix-questions-reponses/
  3. CGDD, « Trajectoires vers l’objectif zéro artificialisation nette », éléments de méthode, décembre 2019
  4. Société d’équipement des Pays de l’Adour (SEPA), Comité ouvrier du logement (COL), établissement public foncier local (EPFL)…

 

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